Vanity :( Sanity :| Reality :)

10/10/2016

L’humilitĂ© est essentielle dans la culture de BlaBlaCar. Il est important de ne pas se laisser aveugler par des indicateurs flatteurs, et de ne pas fonder ses dĂ©cisions sur des chiffres trompeurs. Une analyse objective des indicateurs est nĂ©cessaire pour avancer dans la bonne direction. C’est la raison pour laquelle l’une des valeurs fondamentales de BlaBlaCar est « Vanity đŸ™ Sanity đŸ˜ Reality đŸ™‚ Â». BlaBlaCar Ă©tant une entreprise pour qui les donnĂ©es sont essentielles, les Key Performance Indicators (KPI, indicateurs clĂ©s de performance) sont indispensables au bon fonctionnement de toutes ses activitĂ©s, des campagnes marketing aux cycles d’investissement.

Pour favoriser la croissance, l’équipe est encouragĂ©e Ă  identifier et analyser les donnĂ©es pertinentes, et Ă  les amĂ©liorer. Pour ce faire, il est important de comprendre les diffĂ©rents types d’indicateurs dans toute activitĂ©. Les donnĂ©es « Vanity Â» correspondent Ă  des chiffres qui donnent une impression de rĂ©ussite mais ne sont pas vraiment utiles pour dĂ©terminer les performances rĂ©elles. Par exemple, BlaBlaCar est fier de rassembler une communautĂ© de plus de 35 millions de membres, mais ce chiffre serait dĂ©nuĂ© de sens si les membres n’utilisaient pas le service frĂ©quemment. Les indicateurs qui mesurent mieux l’efficacitĂ© sont appelĂ©s « Sanity Â» en interne. Enfin, les vĂ©ritables indicateurs de performance, que BlaBlaCar utilise quotidiennement, sont qualifiĂ©s de donnĂ©es « Reality Â». Les indicateurs forts auxquels il faut rester attentif incluent le nombre de trajets de covoiturage rĂ©ellement effectuĂ©s, ou le nombre de personnes qui voyagent avec BlaBlaCar.

Vanity Sanity Reality

Le fait de se baser sur ces donnĂ©es permet Ă  l’équipe d’ĂȘtre plus efficace. C’est Ă©galement un atout lors de levĂ©es de fonds ou pour communiquer auprĂšs d’investisseurs. Ceux-ci ont besoin de donnĂ©es substantielles pour s’engager, ce qui encourage l’équipe Ă  se plonger dans les chiffres afin de constituer un argumentaire solide basĂ© sur une comprĂ©hension approfondie de l’activitĂ©.

Apprendre de ses erreurs

Quand Nicolas Brusson est arrivĂ© en Californie en l’an 2000, tout le monde ne parlait que de startups, de stocks options et de capital-risque. Bien que ce monde soit complĂštement nouveau pour lui, il s’est rapidement intĂ©ressĂ© Ă  la bulle technologique et a Ă©tĂ© parmi les 30 premiers employĂ©s d’une startup de tĂ©lĂ©communications de la Silicon Valley. Sans business model, l’entreprise levait pourtant des dizaines de millions de dollars auprĂšs des meilleures sociĂ©tĂ©s de capital-risque et embauchait Ă  un rythme soutenu. En quelques mois, ils Ă©taient passĂ©s Ă  plus de 150 employĂ©s. C’est le moment oĂč la bulle Ă©clata. Devant les centaines de licenciements auxquels il assistait, Nicolas avait parfois la sensation d’ĂȘtre dans un mauvais rĂȘve Ă  force de voir des gens qui venaient de perdre leur emploi et Ă  qui l’on tendait un carton pour emballer leurs affaires. La culture amĂ©ricaine, radicalement diffĂ©rente de la culture française, l’étonna au plus haut point : la plupart des licenciĂ©s ne trouvaient pas cette situation injuste et se contentaient de passer Ă  autre chose. Le nombre d’employĂ©s retomba Ă  10. Alors, dans un immeuble vide dont ils ne pouvaient plus payer le loyer, ils placĂšrent l’entreprise sous la protection contre les crĂ©anciers en vertu du chapitre 11 de la loi amĂ©ricaine sur les faillites. Une restructuration en profondeur et une nouvelle « acqui-hire Â» (« achat-recrutement Â», acquisition d’une entreprise dont l’objectif premier est d’intĂ©grer l’équipe) plus tard, ils Ă©taient de nouveau sur la route du succĂšs. Nico, qui avait alors 23 ans, eut la chance de survivre aux nombreux licenciements et d’assister au cycle de vie complet d’une entreprise, de la startup Ă  la croissance, puis au dĂ©clin et enfin Ă  la renaissance. Il tira de cette pĂ©riode intense des enseignements puissants, qui l’ont aidĂ© Ă  se construire au fil des ans et qui influencent aujourd’hui encore la façon dont il conduit la stratĂ©gie de croissance et d’expansion internationale chez BlaBlaCar.

Explorer le monde du financement des startups

En 2009, les revenus de BlaBlaCar s’élevaient Ă  environ €10 000 par mois et provenaient de la vente de plateformes Ă  des entreprises. Les fondateurs avaient projetĂ© qu’ils seraient en mesure de fonctionner jusqu’à mi-2009. Il Ă©tait donc temps de lever des fonds. Ils prĂ©sentĂšrent BlaBlaCar Ă  plusieurs business angels et sociĂ©tĂ©s de capital-risque jusqu’à ce qu’un groupe croit en leur potentiel et propose d’investir dans l’entreprise. Leur proposition consistait en un premier investissement de €300 000, qui serait versĂ© Ă  la condition que l’équipe parvienne Ă  rassembler €300 000 de plus sous six mois. Fred et Francis rassemblĂšrent €150 000 grĂące Ă  l’aide d’amis de BlaBlaCar (affectueusement nommĂ©s les ‘Believers’, soit les “croyants”), et Nicolas, qui venait d’accepter un poste au sein d’une sociĂ©tĂ© de capital-risque Ă  Londres, s’engagea Ă  trouver le montant restant.

Sollicitant ses contacts Ă  travers l’Europe, Nicolas approcha plusieurs business angels et investisseurs Ă  qui il prĂ©senta l’idĂ©e de BlaBlaCar. Pour une entreprise aux revenus modestes, rĂ©unir des fonds en 2009 – donc dans l’ùre post faillite de Lehman Brothers et au cƓur de la crise financiĂšre globale - relevait du parcours du combattant. Les rĂ©ponses Ă©taient souvent nĂ©gatives, l’argument clĂ© Ă©tant que BlaBlaCar ne pourrait jamais ĂȘtre vraiment monĂ©tisable Ă  grande Ă©chelle. Les sociĂ©tĂ©s d’investissement trouvaient que la plateforme Ă©tait sur un crĂ©neau de niche et tournĂ©e vers les auto-stoppeurs, qui n’avaient pas d’argent Ă  dĂ©penser. Ils leur recommandaient plutĂŽt de se concentrer sur la vente de plateformes de covoiturage Ă  des entreprises. Mais mĂȘme sur cette activitĂ©, les investisseurs n’étaient pas enthousiastes. Le modĂšle ne leur semblait ni suffisamment Ă©volutif, ni trĂšs palpitant.
Lors de son premier contact avec l’investisseur espagnol Luis Martin Cabiedes, Nicolas sentit qu’il avait Ă©veillĂ© son intĂ©rĂȘt. Quelques jours plus tard, Fred prit l’avion pour Madrid afin de lui prĂ©senter son entreprise en dĂ©tail, et peu de temps aprĂšs, Luis visita les bureaux parisiens et rencontra le reste de l’équipe. AprĂšs un rapide audit d’usage, il investit les €150 000 restants nĂ©cessaires pour clĂŽturer la premiĂšre levĂ©e de fonds mi-2009. Cet apport financier de €600 000 Ă©tait exactement la somme nĂ©cessaire pour accĂ©lĂ©rer la croissance et permettre Ă  BlaBlaCar de devenir le leader français en taille de communautĂ© en 2010.

Prendre le temps de choisir ses investisseurs

Trop d’entrepreneurs pensent que la collecte de fonds dĂ©tourne leur attention du but vĂ©ritable et qu’ils peuvent l’externaliser. Ce serait plutĂŽt le contraire. Au cours de l’histoire de BlaBlaCar, les fondateurs n’ont jamais sollicitĂ© de banque ou de conseiller financier pour les aider Ă  rassembler des fonds. Au contraire, Nicolas a passĂ© beaucoup de temps Ă  trouver les bons investisseurs. C’est l’une des trĂšs rares tĂąches dont une Ă©quipe de fondateurs devrait s’occuper de prĂšs, avec les valeurs de l’entreprise, sa stratĂ©gie et l’embauche de ses collaborateurs. Le choix d’un investisseur ressemble un peu au choix d’une partenaire pour la vie. Si l’on partage la mĂȘme ambition et les mĂȘmes valeurs, la relation a plus de chances d’ĂȘtre solide et de durer.

En 2010, un nouvel objectif fut dĂ©fini : dĂ©ployer un modĂšle Ă©conomique solide, qui permettrait aux revenus de couvrir les coĂ»ts. Un nouveau cycle de financement fut lancĂ©, et reçu de façon beaucoup plus positive que le prĂ©cĂ©dent. Les investisseurs voyaient que BlaBlaCar avait atteint son objectif initial et ils commençaient Ă  avoir confiance en sa capacitĂ© d’exĂ©cution. ISAI, un fond d’investissement français constituĂ© d’entrepreneurs internet, leur fit une proposition trĂšs intĂ©ressante. ISAI avait pour vocation d’investir dans les entreprises qui montraient des signes forts de croissance, et qui Ă©taient efficaces sans exiger trop de besoins en capitaux. BlaBlaCar remplissait les trois critĂšres. Un accord fut donc conclu entre ISAI et Cabiedes Partners pour un montant de €1,25 million  en juin 2010 et fit entrer Jean-David Chamboredon (ancien prĂ©sident de 3i venture France), Pierre Kosciusko-Morizet (PDG de PriceMinister) et Didier Kuhn (ancien PDG de ScreenTonic) au conseil d’administration.
A l’époque, BlaBlaCar Ă©tait encore un site gratuit d’annonces en ligne et n’opĂ©rait qu’en France, mais les fondateurs et ISAI partageaient la vision qu’il allait devenir un site transactionnel avec un dĂ©veloppement global. Aujourd’hui, BlaBlaCar continue de travailler avec des investisseurs qui partagent leur vision, et qui peuvent apporter le plus de valeur ajoutĂ©e. Au fil des ans, quelques uns de ces investisseurs sont devenus des mentors prĂ©cieux pour les fondateurs et les ont guidĂ©s sur la gestion, le recrutement et la croissance.

Lever les fonds lorsque l’on n’en n’a pas encore besoin

Les fondateurs de BlaBlaCar ont toujours dĂ©marchĂ© des investisseurs avant de se trouver dans une position financiĂšrement dĂ©licate. Sans la pression d’un besoin immĂ©diat en capital, les discussions ont tendance Ă  ĂȘtre plus Ă©quilibrĂ©es et des nĂ©gociations peuvent ĂȘtre entamĂ©es avec plusieurs investisseurs diffĂ©rents. DĂ©but 2011, la dĂ©cision fut prise de s’agrandir plus rapidement et d’accĂ©lĂ©rer l’expansion dans les pays voisins. Nicolas commença alors Ă  dĂ©marcher plusieurs fonds de capital risque, dont celui pour lequel travaillait son ami de longue date Philippe Botteri, rencontrĂ© lors de son passage dans la Silicon Valley. Par hasard, celui-ci venait de quitter San Francisco pour rejoindre Accel Partners Ă  Londres. Nicolas travaillait alors pour Amadeus Capital, qui se trouvait ĂȘtre dans le mĂȘme immeuble, et ils tombĂšrent nez Ă  nez dans un ascenseur. Philippe avait dĂ©jĂ  entendu parler de BlaBlaCar, et il adhĂ©ra immĂ©diatement Ă  la vision europĂ©enne de la startup. Il fit donc le pari jusqu’au bout et investit €10 millions. Le milieu de l’investissement rĂ©agit avec surprise, se demandant pourquoi Accel Partners investissait dans une entreprise « d’autostop Â» qui n’était mĂȘme pas monĂ©tisĂ©e. C’est alors que Nicolas rejoignit BlaBlaCar Ă  plein temps.

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Nicolas Brusson et Philippe Botteri au Web Summit]

Créer une valeur durable

BlaBlaCar fonctionnait dĂ©sormais en France, en Espagne, en Allemagne, au Portugal, en Italie et en Pologne. Avec Nicolas en charge de la stratĂ©gie internationale de BlaBlaCar, l’objectif de la nouvelle levĂ©e de fonds Ă©tait d’accĂ©lĂ©rer l’expansion afin de devenir le leader global du covoiturage longue distance. Nicolas n’est pas effrayĂ© par la dilution du capital-actions et il croit profondĂ©ment que les levĂ©es de fond permettent de crĂ©er une valeur durable, donnant Ă  l’entreprise une vĂ©ritable chance d’atteindre un leadership europĂ©en et international. Son expĂ©rience dans la Silicon Valley lui avait toutefois appris l’importance cruciale de maintenir une bonne rentabilitĂ© du capital et de ne pas dĂ©penser d’argent trop vite. En juillet 2014, l’équipe leva $100 millions dans le cadre d’une campagne de financement menĂ©e par Index Ventures avec les investisseurs historiques Accel Partners et ISAI, qui rĂ©sulta dans la prise de participation de Lead Edge Capital. C’était alors la levĂ©e de capital-risque la plus importante jamais menĂ©e par une startup française. Le PrĂ©sident français appela les fondateurs en personne pour les fĂ©liciter. Paradoxalement, le fait de se rendre compte du parcours effectuĂ© en quelques annĂ©es fut pour eux une leçon d’humilitĂ©.

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BlaBlaCar est présent dans 22 pays

La communautĂ© BlaBlaCar atteignit rapidement 20 millions de membres, et s’étendit jusqu’en Russie, en Ukraine et en Turquie. En 2015, une nouvelle levĂ©e de fonds de $200 millions fut menĂ©e avec Insight Venture Partners, Lead Edge Capital et Vostok New Ventures. Cette injection massive de capital permit Ă  BlaBlaCar de se dĂ©velopper jusqu’en Inde, au Mexique et au BrĂ©sil. Elle renforça la croissance globale et la capacitĂ© d’innovation et d’amĂ©lioration du service, permettant de consolider les marchĂ©s existants et de devenir une Licorne (compagnies valorisĂ©es au-dessus d’un milliard de dollars).
Devenir l’une des premiĂšres Licornes en France Ă©tait une Ă©tape importante pour l’équipe. Mais les fondateurs, ne perdirent pas de vue l’essentiel, et envoyĂšrent un email Ă  l’ensemble de leurs collaborateurs pour les remercier d’avoir travaillĂ© sans relĂąche et avec une passion sans bornes. Ce message Ă©tait aussi une occasion de leur rappeler que l’aventure Ă  venir pour continuer de construire un rĂ©seau de mobilitĂ© mondial et apporter cette valeur Ă  tous Ă©tait passionnante.

 

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Lettre des Fondateurs

BlaBlaCar est dĂ©sormais prĂ©sent dans 22 pays sur 3 continents et met en relation des millions de conducteurs avec des places libres et des passagers qui vont dans la mĂȘme direction. L’équipe continue d’analyser attentivement les informations derriĂšre les faits lorsqu’ils sont confrontĂ©s Ă  des dĂ©cisions importantes. Comprendre les indicateurs et rester fidĂšle Ă  la valeur « Vanity đŸ™ Sanity đŸ˜ Reality đŸ™‚ Â» permet Ă  BlaBlaCar de garder le cap.

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